Pouvoir :
Magie de l’Empathie (Hinangol),
Se sert de cette magie pour s’apaiser lui-même, essentiellement, quand la nécessité s’en fait sentir. Il procède fréquemment à un temps de méditation où il fait usage de son don pour calmer sa psyché et atténuer tout le mal qui peut camper son esprit. Pouvoir inné, qu’il a appris à maîtriser avec un professeur pour l’accompagner, il en connait les usages sur son corps. Si une personne se montre réceptive à ses discours, il a la capacité d’atténuer la colère de cette dernière ou d’anesthésier une douleur émotionnelle (liée à un deuil, par exemple). Sa magie ne lui permet cependant pas de supprimer l’émotion qu’il cible, cependant de permettre à la personne de se ressaisir ou se laisser aller, selon sa volonté. Il s’abstient essentiellement d’en faire usage.
Armes :
Épée bâtarde, nommée « Morsure », forgée pour lui par son père lorsqu’il a voué sa vie à la protection d’Aendryl et à la garde du portail d’Ether. Il en privilégie l’usage pour les véritables combats et ne s’en sépare que si la situation l’exige. Grand combattant, il la manie aussi bien des deux mains que d’une seule.,
Épée courte, maniée d’une main, fréquemment de pair avec un bouclier. Anonyme de nom, courtoisement nommée « Bâtarde », elle n’en demeure pas moins essentielle à ses combats, ses rituels et ses entraînements.
« Braves et fiers » « De gueules, au cerf d’argent cabré tacheté de sable, couronné d’épines de pourpre, accompagné de trois fleurs de lis d’or, au chef de murailles d’argent » Ma famille a pris racine dans le cœur de la Terre des Hommes. Quoique cœur soit un terme un peu trop littéral, car le domaine et ses terres se situent géographiquement plus proche du sud et de sa frontière. Il est d’usage de souligner que le domaine et le village attenant sont à égale distance de Lumérill et du portail d’Ether.
« En ce début de l’an 3084 nait Shane, fils de Gabruil de Runrath, sang illégitime du comté de Runrath. Nous retranscrivons sa condition dans le registre de la famille : Des cheveux d’un noir de jais, des yeux bleus et une force peu commune seront notés. Ton nom sera honoré par tes ancêtres car tu seras légitimé, ainsi que ton père en fait le vœu, en vertu des lois de ce pays et de nos coutumes d’antan. Puisse la Déesse t’entendre crier et prouver ta naissance en ce monde. » On m’a dit que c’était un jour pluvieux et qu’il s’est achevé avec un orage grondant sa colère. Qu’à mon premier cri, le tonnerre a retenti une fois de plus, pour se taire enfin et ne plus frapper. On m’a dit qu’il n’y avait que trois personnes ce soir-là. Mon père, ma mère, et le moine qui m’a mis au monde, sous le regard bienveillant de la Déesse. Peut-être étaient-ils, alors, quatre. Je ne me rappelle rien, sinon du trajet pour rentrer à Runrath. Néanmoins ici, on ne peut guère parler d’autres choses que de bribes de souvenirs. Il devait faire terriblement froid, il faisait nuit. Le cahot de la monture provoquait en moi une sensation de vertige, mais ce ballotage confortait mon cœur et anéantissait toute résistance, me poussant dans les bras du sommeil. J’entendais les sabots résonner sur le pavé de la route puis, par moment, s’étouffer dans la terre abreuvée de pluie. Ce moment me revient parfois, en rêve, comme si je cherchais à retrouver quelque chose. À me rappeler d’un sentiment ou d’une sensation particulière. Les années qui ont suivi, je les ai passées comme le fils premier né de mon père, Guerin. Sans partager entièrement le même sang, nous ne nous étions jamais considérés autrement que comme des frères. Nous avions eu notre lot de conflits fraternels, de disputes et de mots durs mais notre mère avait toujours su rattraper nos manquements et raccommoder nos plaies lors de nos brutales joutes verbales. Alissa, ma mère adoptive, ne m’a jamais repoussé. Même si mon existence lui était un affront, je crois que m’avoir éduqué comme son fils lui avait permis d’obtenir le lien privilégié que j’aurais naturellement dû accorder à ma véritable mère. Avec les années, notre fratrie s’est agrandie. En totalité, nous nous comptions ensemble comme sept frères et trois sœurs. Si Guerin, mon aîné d’un an, eût peu de temps à leur accorder, ce ne fut pas mon cas. Notre père n’accordait pas à mon éducation la même importance qu’à celle de son héritier, j’avais donc parfois un peu de temps libre que je passais, en grande partie, avec mes cadets. Chaque nouvelle naissance prodiguait à la maisonnée de la joie, et à moi plus encore. Rivie, ma première cadette, dont nous partagions un écart de quatre années, partageait également avec moi les meilleurs moments de complicité de la fratrie. À son contact, j’appris beaucoup sur notre famille et sur les devoirs qui m’incombaient. Et d’elle, j’appris à m’ouvrir aux miens, à les laisser entrer dans ma vie. Bien qu’étant d’un sang différent, on attendait de moi autant d’investissement, voire bien plus. On me pressentit également une affinité magique toute particulière, contrairement à mes frères et sœurs, et mon père me fit l’honneur de me permettre de cultiver ce don en présence d’un précepteur académique.
Mes jeunes années s’établirent, correctes et heureuses en apparence, mais cachant toutefois une tristesse qui finit par entacher mon quotidien. Mon frère aîné était frappé des responsabilités propres à l’héritier mais j’eus moi aussi beaucoup à faire. Chaque jour devait être un jour à prouver que j’avais ma place au sein de ma fratrie, au sein de la famille. Chaque jour devait être une preuve de l’expiation des péchés de mon père. Je me rappelle avoir ressenti son regard sur chacun de mes gestes et de mes actes. S’il approuvait ma conduite en de nombreuses fois, ses yeux trahissaient des mots qu’il ne disait pas. Ce silence fut source de bien des ennuis pour moi et me conduisit souvent dans le bureau de mon père pour répondre de mes écarts. Ce n’est pas à lui que je dois d’avoir fait la paix avec moi-même en cette époque. C’est, du moins, ce que j’ai longtemps cru. Mon précepteur, percevant ma détresse, m’apprit alors à puiser dans cette magie empathique pour assourdir mon cœur. Il m’enseigna également à en faire un exercice régulier, sous l’apparence d’une méditation, afin de m’endurcir. Mais au lieu de taire complètement ce qui me rongeait, je ne fis qu’apprendre à le museler et à l’enfermer au plus profond de mon esprit. Le quotidien devait aller sans incident. Guerin et moi nous investissions dans les affaires du domaine avec un sérieux constant. Nos brefs moments d’échappatoire se résumaient à croiser le faux fer de nos épées en bois. Nos talents d’escrime s’étaient naturellement étoffés, pour le plus grand plaisir de notre maître d’arme, Hector, qui voyait en nos jeux fraternels l’étalage du fruit de ses enseignements. Je crois que lui-même avait pris un malin plaisir à m’apprendre à manier une épée à deux mains. L’épée et le bouclier étaient deux outils guerriers que la famille Runrath privilégiait depuis de nombreuses générations alors, pour mon compte, Hector trouva plus approprié de m’apprendre à maîtriser autre chose. C’était ce qui devait me permettre de me forger une identité au sein de cette dynastie, selon lui. Je crois que, me voyant souvent seul étant jeune, il avait pris sur lui de m’éduquer sur ces arts martiaux. Mais il y avait peut-être aussi, dans le fond, un peu de ce vieux loup solitaire qui en avait trop vu, et pas assez fait pour fonder une famille, au nom de son devoir. J’étais un fils adoptif qui brillait par ses prouesses et je me trouvais parfois plus heureux de le voir fier que de voir mon propre père puiser de la fierté dans mes hauts faits.
Notre père avait fait une promesse à Guerin. Celle de l’impliquer plus encore dans les affaires du comté en l’emmenant dans la capitale lors de ses seize ans, afin de préparer la succession certainement. Je me rappelle avoir éprouvé une vive pointe de jalousie lorsque ce jour vint. Je souhaitais moi aussi voir le monde, autrement qu’à travers de mes souvenirs et mes yeux d’enfant. Je souhaitais m’investir comme un conseiller pour mon frère, un héritier apte s’il devait arriver un malheur, ou un régent capable pour mes puînés si je devais être mis de côté du fait de nos règles de succession. Je ne l’aurais jamais nommé ainsi mais j’étais empli d’une arrogance muette car je me croyais important dans les plans de mon père. J’avais tort. En partie, du moins. Le jour-même du départ, j’avais préparé mes affaires pour anticiper l’approbation de notre géniteur. La réponse que je reçus me fait encore frémir d’un sentiment d’injustice. Ce devait être anodin. J’écopais d’un non, alors sec et sans équivoque. Avec du recul, j’aurais peut-être compris que je recevais la chance et l’opportunité de faire mes preuves dans la gestion des terres, en compagnie de la comtesse ma mère adoptive. C’est ce que je fis, je crois, mais je me rappelle également avoir longuement nourri le vœu criminel qu’il arrivât malheur au vieux Gabruil. La patience dont fit preuve Alissa était sans nulle autre pareil. Mais si elle parvint à me convaincre que cette décision n’était pas là pour me punir, elle n’eut guère de succès quant à cette sensation de ne pas être désiré. La décision que je pris alors, nourrie par de mauvaises raisons, m’orienta néanmoins vers une issue fortunée. Durant de nombreuses années, en raison de la proximité avec le portail d’Ether, notre famille avait fourni beaucoup de ressources aux Veilleurs. Recrues valeureuses, ressources militaires ou denrées alimentaires, il y avait eu beaucoup de commerce avec ce corps militaire. Jadis, Guerin et moi fantasmions d’un monde où, libérés de nos responsabilités, nous prenions les armes pour défendre un monde en péril au côté de ces braves guerriers. S’il était là, il en rirait autant que moi, mais pas pour les mêmes raisons. C’est ainsi que mon cœur choisit de se diriger vers la surveillance du portail d’Ether. C’était un choix, le premier que je faisais en mon propre nom, le premier que j’eus à assumer. Mon père l’accepta. Sans en débattre. Son approbation, que je recherchais encore, avait le goût doux-amer de la déception. Quelque chose creusa encore cette sensation d’être un indésirable que l’on chassait avec plaisir et sans effort. Il fit simplement la requête d’attendre un peu moins d’une année. Quelques mois, tout au plus, pour préparer mon départ. J’eus alors l’occasion de fêter un dernier anniversaire en compagnie de mes frères et sœurs. Nos derniers arrivés dans la fratrie, les deux jumeaux Samira et Hendrick, avaient presque cinq ans et eurent bien du mal à comprendre pourquoi je devais partir. Leurs nombreuses questions sur les Veilleurs renforcèrent le mythe que nos contes avaient alimentés. Pour eux, je devenais un héros. Rivie, quant à elle, était heureuse pour moi. Trop intelligente pour moi par moment, je savais cependant quand une chose ne lui convenait pas. Ceci en faisait partie. Me séparer de sa compagnie me coûta, même encore aujourd’hui.
Guerin ne m’adressa plus la parole. Comprit-il seulement mon geste ? Peut-être pas. Je ne suis pas certain de l’avoir entièrement compris quand je suis parti, comment aurait-il pu ? Mon père, quant à lui, m’avait fait forger une épée bâtarde, selon les spécifications données par Hector. Je me rappelle qu’il m’avait pris par les épaules alors que j’acceptais son cadeau. Qu’il m’avait regardé d’une façon qui m’avait décontenancé. « Cette épée mérite un nom, c’est la tienne désormais. Avant que tu ne t’en serves pour la première fois, elle doit être nommée. Ce n’est pas une preuve d’où tu viens, ni celle de qui tu es, mais de ce que tu sers et a juré de défendre. » J’étais arrivé depuis plusieurs jours déjà. La vie au camp y était rude. Je me croyais bien assez entraîné, j’avais tort. Malgré le nombre, nous pouvions nous retrouver avec bien des pertes pour de bêtes erreurs. Les premiers temps, je les passais à l’entraînement, comme chacun. Notre serment, nous ne l’aurions prêté qu’après avoir survécu assez de temps pour être jugé aptes et dignes. Cela prit du temps. Beaucoup de temps. Chaque session d’entraînement me voyait battre le plancher tant j’étais rossé. Le maître d’armes ne tarissait pas de me gratiner de mots doux pour me motiver. J’avais droit alors à mon lot de « Bâtard », ou de « Nobliau ». Le déclic vint tardivement quand je l’observais avec d’autres recrues, lesquelles avec moins d’aptitudes écopaient de conseils avisés. Toujours épris de tant d’arrogance, je me rappelle avoir protesté auprès du vétéran de son traitement injuste. Sa réponse fut aussi cinglante que ses précédentes leçons de combat. Elle me fit prendre conscience de plusieurs choses, la première étant que le monde ne tournait pas autour de moi. Quant à la seconde… J’avais eu, pour ainsi dire, beaucoup de facilités dans la vie du fait de mon éducation. Et c’est cette dernière qui me donnait un avantage sur ceux qui n’en avaient pas eu. Non pas car je pouvais en profiter pour me hisser au-dessus d’eux mais car elle me permettait de les hisser auprès de moi. Malgré sa rigueur exécrable et son humeur massacrante quotidienne, j’eus autant d’estime pour ce maître d’armes que j’en eus pour mon regretté mentor au domaine familial, Hector. Mes compagnons d’entraînement l’en respectèrent d’autant plus. Et, avec le temps, j’obtins une partie de ce même respect. Mettant à profit mon expérience, j’enseignais à mes camarades qui n’y connaissaient rien. Et ceux qui n’étaient pas profanes de cet art martial profitaient d’un adversaire digne d’intérêt. J’aimerais me lancer des fleurs en me prétendant redoutable mais, à l’époque, je n’étais pas aussi bon qu’aujourd’hui. Pour certains, tout ce qu’ils savent, ils me le doivent. Mais je ne leur ai pas appris tout ce que moi-même je sais. Mon nouvel ami de l’époque, Raoul, un jeune humain de mon âge, me tançait fréquemment à ce sujet. Il le ferait encore aujourd’hui, d’ailleurs.
Le jour fatidique vint très vite. Une fois que nous eûmes fait nos preuves, il ne restait guère plus de raison pour nous garder de vouer notre vie à la protection de ce monde. Pour être honnête, en vérité, il n’y avait pas vraiment eu de cérémonie. Nos tâches étaient devenues une routine dans notre quotidien par bien des égards militaire. Nos escarmouches, certes dangereuses, avaient causé la mort de certains de nos frères d’armes. Pourtant nous étions encore là, vivants et capables. Un beau jour, notre instructeur de l’époque nous avait aligné au milieu du camp. Nous croyions à un nouvel exercice, même si le dernier remontait à plusieurs semaines. Il s’était contenté d’un discours sur la valeur d’un Veilleur, sur le courage dont nous devrions avoir à faire preuve, et de la force qui résidait en chacun de nous. Enfin, il avait clos son discours par un hommage à ceux qui nous avaient précédé dans notre fonction. Il était encore temps de faire demi-tour toutefois personne n’en fit le choix. Il était déjà trop tard. Les plus zélés avaient péri, ceux encore en proie aux doutes étaient partis. Il ne restait que nous. Nous étions moins d’une dizaine à avoir fait nos preuves et rallié les rangs des Veilleurs. Je fus le seul à vouloir formuler mon vœu d’engagement près d’un autel ce jour-là.
« Ô Déesse. Aujourd’hui, je fais le serment de vouer ma vie à servir notre monde et le protéger du péril qui sommeille au-delà du Portail. Que mes bras restent forts, que mes jambes ne me fassent pas défaut quand, dans les ténèbres, je me tiendrai debout. Fais briller en moi ta Lumière quand l’espoir vacille. Arme mon bras et je ne faillirai pas. Protège-moi pour qu’à mon tour, je protège tes sujets et ton royaume. » Dire que j’étais le seul serait mentir, à dire vrai. J’étais bien l’unique recrue à exprimer ce souhait de vive voix. C’était un rite qui ne s’était guère vraiment transmis par attachement et avait perdu en valeur, et en intérêt, pour la plupart des Veilleurs. Mais alors que je formulais le début d’un serment, Raoul m’avait rejoint. Suivi d’un autre de nos compères, puis d’un autre. Peu importe combien nous fûmes, les mots que je formulais devinrent ceux que mes compagnons partageaient avec moi. Il n’y avait pas vraiment de pacte sacré, pas de sang versé pour sceller un accord. Seules quelques âmes aux portes de leur nouvelle vie, désorientées mais avides d’aventures à n’en pas douter, prêter à se serrer les coudes face à l’adversité qui se mesurerait en Ambéliens. Je n’aurais pas non plus imaginé qu’en l’espace de quelques années, je perdrais assez d’entre eux pour regretter de ne pas m’être rappelé chacun de leurs serments. Leurs doutes, leurs peurs, leurs convictions et leurs souhaits, tout ceci était perdu dans le fil du temps. Seule Lorlina avait le pouvoir de les entendre et, à ma grande déception, ce pouvoir m’échappait. Voir un compagnon d’arme périr n’est pas un événement réjouissant pour notre compagnie guerrière. Avec le temps, chacun de ses membres devient un frère ou une sœur de fortune. On partage les bons comme les mauvais moments, les éclats de rire et les larmes ainsi que les coups de gueule. Les conflits sont courants, c’est dans notre nature à tous. Mais ils n’ont jamais vraiment duré. Alors quand ce frère que vous avez depuis votre premier jour vous tourne le dos pour disparaître dans la même journée, vous pensez que le destin vous joue un air bien vicieux. Raoul n’est pas mort en héros, comme il l’avait souhaité. Il est mort avec des regrets brûlants, qui coulaient de ses plaies. Il a rejoint nos ancêtres parce qu’un ennemi retors l’a surpris d’un coup de poignard dans le dos. J’avais entendu son hurlement depuis notre camp, j’ai été le premier à le retrouver et à terrasser son agresseur. Je crois bien l’avoir encorné sèchement avant de l’occire d’un coup net de mon épée. C’est un souvenir si vivace qu’il m’apparaît net, comme datant d’hier. Le plus douloureux, ce n’était pas de voir la souffrance physique de mon ami. Lui comme moi, nous savions où sa route le menait et nous partagions la sensation infantilisante de la honte qui prend l’enfant surpris après sa bêtise. Incapable de dire un mot, je lisais dans ses yeux la détresse qu’il devait lire dans les miens, celle de ne pas pouvoir se quitter en bons termes. Je lui faisais pardon de ses propos passés, pour sauvegarder notre amitié, je le rassurais sur l’arrivée des secours. Pour une rare fois durant ma vie, j’usais de ma magie pour anesthésier sa peur et amadouer sa déception.
Quand il nous a quitté, je crois qu’il l’a fait en implorant muettement le ciel qu’on lui accorde une seconde chance. Mais ce genre d’oraison ne trouve jamais de réponse. Les jours qui ont suivi, aucune incursion d’Ambéliens n’eut la chance de survivre à ma rencontre. Je m’étais engagé dans chaque patrouille possible, sans en connaître la raison exacte. Peut-être voulais-je aussi crever, allez savoir. Ou faire payer le plus de ces créatures possibles. Beaucoup de mes blessures datent de cette période. Beaucoup de mes expériences proches du trépas aussi, par ailleurs. C’est une lettre de Raoul qui m’a ramené à la raison. Une lettre qu’il devait me donner avant de partir en escarmouche pour me convaincre d’essayer d’entraîner nos jeunes. « Tu sais pas t’y prendre avec les gens, parfois leur cracher un bon juron c’est pas la bonne façon de faire. Mais si tu leur apprends au moins la moitié de ce que tu sais, nous aurons peut-être une chance pour casser la gueule aux Ambéliens. Et puis, ça tu sais y faire. Les autres te suivront. Tu l’as dans le sang. » Bon, Raoul n’était pas la plus fine plume à ma connaissance mais ses mots avaient fait mouche. On me laissa une place singulière pour former nos recrues. Même si chacun des Veilleurs conservait le droit solennel d’enseigner à ses pairs, je devais finir par gagner, avec le temps, cette franche distinction.
« Aujourd’hui, vous allez apprendre tout ce que je vais vous enseigner. Vous pourrez ensuite enseigner tout ce que vous aurez appris. Mais de moi vous n’apprendrez pas tout ce que je sais, seulement ce que vous êtes bien disposés à recevoir. Le premier que je surprendrai à râler sur ses camarades s’en prendra une dans la tronche, c’est clair ? » Il y a quelques années, beaucoup d’entre nous ont eu à faire un choix. Pour certains, ce dernier s’avérait aisé. Pour d’autres, cela relevait du drame antique. La campagne d’Haznard avait eu un impact sur bien des peuples, par souvent de manière indirecte. Pour mon père et mon frère, il s’agissait d’une cause qui comprenait des intérêts politiques. J’avais nagé par trop longtemps hors des eaux familiales, malgré quelques lettres échangées avec ma sœur Rivie. Mais j’appris entre quelques lignes que Guerin s’était marié, épousant une jeune femme ravissante, qui périt bien trop vite, emportée par la maladie. Les terres du Pays de la Désolation recelaient de pauvres bourgades terrorisées, à l’époque, mais riches d’honnêtes gens. J’avais compris que, plus tard lors d’un voyage d’affaire, mon frère s’était épris d’une femme de ces terres, laquelle dirigeait la bourgade comme une bourgmestresse solide, naturellement appréciée de sa communauté. De passage près du Portail, et surtout de notre camp, mon frère Arnault m’avait rejoint avec beaucoup d’entrain, fier de me parler de ses activités comme le bon guerrier de la famille. Il m’avait également fourni une lettre, une bourse d’or, certains de mes vieux effets personnels emballés dans un drap baluchonné, et le portrait dessiné d’une femme dont j’ignorais la nature. Le courrier qui m’était adressé provenait de mon père. Il ne m’avait jamais écrit, sinon une fois pour me féliciter de mon serment. Et cette fois-ci, c’était son coeur qui s’était ouvert. Il m’avait partagé bon nombre de ses doutes, ainsi que ses craintes vis-à-vis de mon frère Guerin. Il craignait de disparaître et de le laisser sans rien d’autres que ses plus jeunes cadets. Il m’implorait de revenir, partageant un désarroi dans la famille, lié à mon absence, qui ne se résorbait pas même avec le temps. L’encre versée finit par alourdir mon cœur d’un nouveau choix, d’une décision à prendre. Cette dernière, toutefois, était déjà arrêtée. Ce qui me retenait de jeter la lettre aux flammes, cependant, relevait en une seule promesse, singulière. « Quoi que soit ta réponse, viens nous aider au Pays de la Désolation. Certains des tiens aideront l’armée qui s’y prépare, ton aide nous sera d’un grand secours. Fais cela, et je te parlerai d’une chose que je t’ai toujours cachée. » Malgré les interdits pour les Veilleurs volontaires, je décidais de braver moi aussi la barrière de notre hiérarchie, suivant d’autres de mes frères dans cette expédition. Peut-être que mon expérience avait pu en rassurer certains quant à la légitimité de notre nouvelle escarmouche, ou bien cela donnait-il aux jeunes écervelés épris d’aventures de meilleures chances de survie. Ce jour-là, j’avais craint qu’à notre retour nous ne soyons tous exilés. Ou pire. Après tout, nous bravions des ordres directs, explicites. Malgré tout ceci, j’avais d’autres préoccupations. L’idée d’être évincé ne demeurait pas au premier plan de mes pensées. J’avais décidé d’accompagner mon jeune frère et sa petite escorte jusqu’au campement de notre père. Je servais officiellement comme liaison entre les Veilleurs et cette escorte jusqu’au rassemblement de notre compagnie et je profitais à loisir de cette fonction pour rattraper le temps perdu avec Arnault. Je lui dispensais un entraînement pour le moins rigoureux, plaisantant sur ses qualités et lui suggérant de rejoindre nos rangs. Il me soufflait alors que c’était dans ses intentions, les questions d’héritage tournoyant autour de Samuel et de Guerin.
Durant le voyage, nous fîmes plusieurs haltes pour de nombreuses raisons. Nous reposer ou reposer nos bêtes, bien sûr. Compléter les réserves de vivres, également. L’une de ces raisons devait inclure de récupérer une personne toute spéciale. J’ignorais qui elle devait être, aussi nos interactions gagnèrent d’une certaine authenticité, à l’aube de nos premiers échanges. Oshana. Il s’agissait d’une Hayat dont les traits tiraient leur origine des écureuils, quoique conservait-elle toute la finesse de sa prime jeunesse. Elle possédait une élégance vive et sans pareille, des gestes gracieux qui tranchaient l’air avec précision, un esprit aiguisé qui ne manquait pas de mordant. Mais dans le spectre de ce monde, j’étais la noirceur et l’obscurité tandis qu’elle était la lumière et l’éclat radieux de l’astre du jour. Sa vocation tendait à soigner ses pairs, à apaiser leurs maux physiques, à prêcher la paix. Quand la mienne s’y opposait. Nos premières discussions furent intéressantes. Nous ne nous comprenions pas vraiment mais, avec un peu de temps, les premiers liens se tissèrent sans trop de difficulté. J’appris donc d’où elle tirait ses connaissances médicales, d’où elle venait, pourquoi elle s’était tenue à voyager et pourquoi elle retournait au Pays de la Désolation, à son village natal, malgré les circonstances. Elle devait aussi y retrouver son futur compagnon, lequel faisait le voyage depuis la Terre des Hommes pour financer et armer son village et l’armée qui se formait dans la région. Si nos affinités avaient fini par combler le fossé entre Oshana et moi, les plaisanteries que nous échangions rendaient notre proximité gênante, par moments. Il y avait un lien sacré qu’elle avait à nouer là-bas, je n’avais pas à m’interposer entre elle et son élu. Toutefois, les hésitations que nous avions vécu dans la pâle fraicheur des soirs me suggéraient toujours la même chose. Si les choses avaient pu être différentes, serions-nous partis en abandonnant tout ce qui avait encore de la valeur à nos yeux ? Après plus d’un mois de voyage, notre caravane atteignit le point de rencontre des volontaires et artisans disposés à fournir leur savoir-faire pour l’armée qui s’assemblait. Notre groupe retrouva celui de notre père et de nos deux frères, Guerin et Samuel. Je crois que je ne fus pas le seul à être surpris quand Oshana délaissa ma compagnie pour retrouver celle de mon frère aîné. L’un comme l’autre, nous entretînmes une forme sévère de jalousie, et de stupéfaction, à la voir passer de l’un à l’autre. Cela ne rompit guère le plaisir que nous avions de nous retrouver après tant d’années sans nous voir, bien entendu. Je ne saurais toutefois jamais si sa retenue devait être due à Oshana, ou à toutes ces années passées éloignés de l’autre. J’aurais aimé que nous ayons du temps pour nous expliquer, ou même ressasser plus de bons souvenirs. Mais du temps, nous n’en avions pas. Notre arrivée coïncidait avec l’appel aux armes de la reine de cette contrée. Il restait si peu de temps, à peine celui de la nuit à venir, pour tout nous dire. J’avais promis à Arnault, avant notre arrivée, que je lui accorderais du temps pour s’entraîner. Cherchant à faire la lumière sur la relation d’Oshana avec mon frère, je m’étais dirigé vers sa personne alors que la nuit pointait ses étoiles sur notre camp. Comme envoyé par la providence, mon père s’était interposé, désireux de discuter de ce dont sa lettre parlait, coupant court à ma quête de réponses auprès de la dulcinée de mon proche parent. Notre discussion dura une bonne partie de la nuit, tournant autour du mystère qu’était toujours ma naissance, chose dont il avait toujours caché les détails. Il n’avait pas manqué de me dire combien il était fier du chemin que j’avais accompli jusqu’ici. Et qu’il était temps que je rentre à la maison, désormais. Que nous devions partir à l’aube, avec mes deux jeunes frères, pour rentrer à Runrath.
Je n’avais pas un seul instant songé au déshonneur que mon père pouvait s’infliger, nous infliger, celui qu’il me voulait voir porter, jusqu’à cette nuit fatidique. Il était même prêt à sacrifier son premier fils pour cela. Même aujourd’hui, je ne crois pas qu’il y ait pire trahison que celle provenant de son propre sang. Je rejoignais ma tente prestement, après l’avoir envoyé paître, pour me reposer en vue de l’affrontement à venir.
« — Qui veillera sur toi, si tu veilles sur tes frères dans cette guerre ? » « — Si Lorlina le veut, je verrai un autre jour sur cette terre. » Nos préparations suivirent la routine que je m’étais imposé depuis mon départ du camp des Veilleurs. Porter l’équipement n’était pas difficile. Un déjeuner, même succinct, trouvait toutefois péniblement sa route. J’avais toujours eu horreur de ressasser avant un combat et ce jour ne faisait pas exception. Je ne vis pas trace de mes frères, hormis Samuel qui devait m’informer que notre père resterait au campement pour protéger le camp, les civils et la retraite de l’arrière-garde s’il devait y en avoir une. Avant de partir, une main m’avait retenu. C’était Oshana qui me pris pour mon frère, me souhaitant bonne fortune au combat. Je me rappelle avoir simplement acquiescé en lui rappelant cependant que je n’étais pas Guerin. Je me rappelle aussi qu’après m’être soustrait à son bras, m’éclipsant entre deux tentes, elle m’avait rattrapé et arraché un baiser d’adieu, me soufflant à demi-mots qu’elle savait qui j’étais. Et qu’il valait mieux pour moi, ou mon frère, que nous nous sortions vivant et victorieux de cette bataille. C’est à partir de là que tout s’est déroulé si vite. Oshana disparut aussi vivement qu’une anguille, les bataillons se formèrent et je rejoignis mon ordre, répondant mécaniquement aux appels que mon corps lançait à mes muscles. Je gardais une pensée pour chacun de mes frères, et chacun de mes compagnons Veilleurs. Malheureusement pour moi, mon père obstrua mes pensées avec ses promesses creuses. Puis Oshana combla le reste. Avant que je ne le comprenne, les morts se présentaient devant moi, prêts à croiser le fer. Les événements s’enchaînèrent comme dans un mauvais rêve. Ils n’étaient pas si difficiles à maîtriser ou à contenir, individuellement. Mais leur nombre, lui, ne cessait de croître… L’un des nôtres finissait par être isolé, et l’on entendait alors, au loin, l’écho de ses cris de panique. Celle-ci se muait en terreur, primale, glaçant le sang, avant de s’éteindre en un hurlement de douleur désespérée. On ne le revoyait qu’une fois que ce compagnon avait rejoint leurs rangs.
Cela devait durer trop longtemps à mon goût. La mêlée s’éternisait comme le fait un cauchemar où l’on cherche à échapper à quelque chose de néfaste. La fin nous glissait des doigts, nous privant de tout contrôle, où chaque visage familier émacié et sanguinolant nous rappelait qu’il n’y avait que la mort à l’issue du combat. J’étais terrifié, bien plus qu’à l’accoutumée, et les échos que je percevais de ma magie empathique amplifiaient cette étreinte sur mon cœur. Elle ralentissait mes mouvements, engourdissait mes sens et ma douleur, comprimait ma gorge et éteignait les ordres que je voulais proférer. J’aurais pu disparaître ce jour-là si un voile rassurant et apaisant ne m’avait pas traversé comme une onde vive. Le jour était si gris et, pourtant, un rayon de soleil avait percé pour me frapper le dos. J’avais entendu un cri de douleur qui avait hurlé mon nom. Ce n’était pas un compagnon Veilleur. Ce hurlement, il venait de mon propre sang. Et cette chaleur, terrassant le froid glacial de la mort, fit exploser toute la rage qui attendait son heure, finissait de bouillir. Tout le reste n’est qu’un songe embrumé pour moi. On m’a dit que j’ai percé plusieurs lignes à grands coups d’épée pour rejoindre une poche de survivants isolée. Puis une autre, et encore une autre. Qu’à l’issue de la bataille, on me valait le sauvetage de plusieurs dizaines de combattants. Je ne me rappelle rien, sinon du soupir rauque qu’avait poussé Guerin dans mes bras, quand les morts se sont effondrés après lui. Le reste du jour n’avait plus d’importance. Le camp, lui aussi, avait été déchiré par les combats. Il ne restait que peu de survivants, parmi lesquels figuraient Oshana et mon père. Le corps sans vie de Samuel reposait comme une mise en garde contre la mort. Malgré mes prières, retrouver Arnault ne combla pas mon cœur de joie. Grièvement blessé, il n’avait évité la mort que de très peu. Sa combativité l’avait sauvé jusqu’à mon arrivée mais elle n’avait pas pu sauver ses jambes de l’acharnement des morts. J’appris plusieurs semaines plus tard qu’il n’en recouvrerait probablement pas l’usage.
La compagne de mon défunt frère proposa d’héberger les Veilleurs survivants dans son village, avant leur retour définitif, afin qu’ils pansent leurs plaies plus longtemps. Et d’honorer les disparus, d’une façon ou d’une autre. Pour certains, on les enterra. Pour d’autres, on éleva un bûcher. Pour ma part, on m’avait élevé dans le groupe de commandement, probablement pour soulager nos premiers officiers. Malgré nos pertes, malgré le deuil qui nous accablait tous, on venait souvent me voir pour régir aux petits tracas de la vie. Les disputes, les conflits internes, le traitement des vivres, la préparation de notre départ, l’état des blessés. J’avais mon mot à dire sur tout. Je n’eus que peu de temps à accorder à Oshana qui, je le crois, n’en avait que peu à me retourner de toute façon. Quand tout le monde fut en état de partir, je lui présentais mes adieux, nos remerciements pour l’accueil dans son village, et mes condoléances pour la disparition de Guerin. Je crains l’avoir blessée par ce trait en me présentant aussi indifférent. Mais je n’étais pas prêt à faire face à ce que je ressentais, ni à ce que nous ressentions. Mon frère, mon père, et les quelques gardes restants de la garde Runrath, prirent un autre chemin pour retourner au domaine familial. Le premier n’avait pas perdu de sa bonne humeur, malgré la perte de ses membres. La terreur que nous avions tous ressenti ce jour-là l’avait sûrement convaincu qu’il avait vécu ses derniers instants, aussi vivait-il peut-être comme si chaque jour était le dernier. Je crois qu’il cherchait à s’en persuader, pour nous convaincre en retour. Mon père… était resté muet, en état de choc de la perte de ses fils. Il ne regardait que le vide. L’un des hommes d’armes du bastion s’occupait de lui, à ma place et celle d’Arnault. Était-il encore mon père, après tout ce qu’il m’eût dit ? Je laissais un courrier pour Arnault, à l’intention de Rivie, décrivant tout ce qu’il s’était passé. Elle me répondit plus tard pour me décrire l’état de mon frère, qui allait mieux, et celui de notre père, qui empirait. Notre bien chère mère, terrassée par le chagrin, cessa de s’alimenter et finit par se donner la mort. Ma sœur la retrouva un matin, poignardée au ventre, au côté de notre père, allongé et amorphe. Je n’avais pas besoin de lire entre les lignes pour comprendre qui en était responsable, selon Rivie. Sans preuves, toutefois, il était peu aisé d’inculper un père devenu soudainement inapte et inepte.
« N’oublie pas qui tu es, Shane. Tu voulais prendre exemple sur nos héros quand tu étais plus jeune. Aujourd’hui, c’est toi qui assumes ce rôle. Nos frères prennent exemple sur toi désormais. Si tu ne sais plus à qui tu dois te fier, regarde dans un miroir et demande au reflet ce qu’il ferait à ta place. » Cette année ne nous offrit pas le répit escompté. Sitôt la menace du nécromant repoussée, le Portail vit une nouvelle excursion repousser la garnison des Veilleurs. À notre retour, nous n’étions pas les guerriers les plus considérés par notre hiérarchie mais notre expérience d’un nouvel ennemi, et celle acquise par un combat bien plus rude et exténuant, nous permit de tirer plus d’un compagnon des griffes des ambéliens. Le nouveau camp n’avait rien de grandiose mais il nous suffisait de peu pour continuer la lutte contre notre ennemi juré. Le danger dans la région avait néanmoins crû d’une mesure radicale, menaçait jusqu’aux villages les plus reculés. Malgré notre nombre, nous avions bien de la peine à défendre ceux que nous avions juré de protéger. Le moral commençait à décliner petit à petit. Avec les nouvelles que je recevais de Runrath, celles que m’envoyaient ponctuellement Oshana par courtoisie — ou réel intérêt ? — et celles de certaines connaissances en-dehors du camp, je commençais aussi à m’inquiéter. J’avais gagné en responsabilités, par mes faits d’armes depuis la campagne d’Haznard étrangement, et m’occupais d’un peu plus de choses pour le compte de nos officiers principaux. Je n’étais toutefois pas sans donner à l’entraînement et l’enseignement aux recrues une nouvelle attention. Le moindre moment accordé à autre chose qu’à ressasser me permettait d’éviter de songer à ce que j’avais vécu dans le nord du continent. Occasionnellement, je donnais de mes nouvelles à Rivie. Parfois à Oshana, poussé par une politesse que je m’ignorais jusque-là. Mon travail sur l’intendance m’offrait le loisir d’échanger avec certains fournisseurs et marchands. Et depuis peu, je recommandais des routes dont le passage était sûr. Et je m’arrangeais pour faire passer le mot que nous avions besoin de bras plus que de matériel. Les rumeurs allaient bon train que le Portail était désormais perdu. Mais les rumeurs dans notre camp circulaient bien plus encore. Peut-être que tout était perdu, après tout ? Que restait-il à défendre ? Aurions-nous dû faire depuis longtemps ? J’aidais à tranquilliser tout le monde quand je le pouvais, mais il était peu aisé de ne pas partager ces craintes. Je ne redoutais qu’une chose. Qu’un jour, sonne le cor de l’invasion tant redoutée.
Physique :
Shane est un Hayadhrim, dont les origines remontent à tout ce qui est cervidé de corps et d’esprit. Sa véritable filiation ne fait guère de doutes et il ne sera jamais rare de l’en voir plaisanter, faussement, prétendant être quelqu’un d’autre. Tous les Runrath partagent cette apparence physique, dont le véritable dénominateur commun physique sera cette couleur blanche, tirant au gris dans le dos, parsemée de taches noires. Bien que d’un lignage sensiblement différent de ses frères et sœurs, rien ne semble le distinguer, sinon une grâce, une aisance dans son port et un physique rarement égalés chez lui. S’il prenait à quelqu’un l’envie de le dépeindre, dans une position d’athlète, et dans son plus simple appareil, il serait à noter que ses pattes antérieures sont celles d’un canidé, au maintien digitigrade. En remontant, le long de son corps, on parcourrait ce qui existe encore de la musculature saillante d’un combattant aguerri adepte d’un bon jeu de jambes. On pourrait noter sans faillir que sa fourrure s’épaissit aux mollets pour étouffer la pliure tout derrière l’os rotulien. Si cette toison semble s’aplanir, elle ne se dégarnit pas pour autant bien que l’on remonte vers des cuisses épaisses et raffermies par de nombreuses activités. Eu égard à la dignité de notre ami, nous lui épargnerons l’examen scrupuleux de son intimité et lui laisserons la primeur de l’initiative quant à cette révélation. En poursuivant notre route toutefois, l’on pourrait constater à son arrière-train l’existence de la queue plate d’un cerf, aux couleurs naturelles de son hérédité. Outre cet élément caudal, il serait à noter la force émanant du ventre et du torse de notre gracieux bipède. Malgré les traces des combats, on ne trouverait rien à redire de cette musculature. Il apparaît bien fin et preste, agile en circonstances notables, mais sa prestance confirme une chose. Il conserve l’endurance et la majesté propres aux siens. Peut-être pas bâti comme le roc qu’il aime prétendre être, il n’en est pas moins solidement fort de ses bras. Il n’est pas un modèle de beauté, avancerons-nous, mais il possède les atours qui révèleront l’attirance charnelle de certains. Le dernier élément du tronc que nous évoquerons sera celui de son cou, néanmoins camouflé par une crinière épaisse. Il se gardera toutefois de la faire apparaître trop fréquemment et la dissimulera sous ses habits, tirant de cette dernière le peu de vanité qu’il possède. La partie la plus sensible de son anatomie, sa tête, répondra aux critères d’usage de son lignage. Arborant la tignasse longue et noire, toujours maintenue en une queue-de-cheval, elle encadre deux fines oreilles grises tachetées de noir, touffues à l’extérieur et duveteuses à l’intérieur. Son visage ne s’émaillera pas de plus d’éléments que le reste de son corps. Marqués par la vie et les combats, vous noterez sans hésitation la couleur bleue de ses yeux. On y découvrira un museau blanc, terminé d’un nez aussi dépourvu de nuances que le reste. Bien que d’allure sympathique, cette mâchoire a déjà sonné le glas de bien des créatures un peu trop aventureuses, aussi ce conseil ne sera pas superflu : Gardez-vous bien de vous trouver à portée de cette dentition. Elle dissimule plus de couteaux qu’il y en a dans la collection d’un tire-laine. Pour finir par cette description des plus vernies, ce qui semble le plus marquant sont ses bois. Massifs, aux teintes sombres du chêne le plus mûr, ils se dressent fièrement. Ils sont le panache de sa maison, la couronne de son peuple, et Shane les arbore comme on porte un héritage : avec fierté, mais sans arrogance.
Caractère :
Je n’irai pas le déranger sans une bonne raison, tu sais. Vois-tu, gamin, ce cerf-là a beau sembler sympathique et abordable, ce n’est pas non plus le premier venu qui ira lui dicter sa conduite. Je te vois sourire et, bien sûr, je sais à quoi tu penses. Ce n’est qu’un soldat, comme nous autres. Et ça, c’est la première erreur que tu viens de faire, le concernant. Il n’est peut-être pas gradé comme d’autres mais il a au fond de son cœur le sens des responsabilités. Aussi bien envers notre cause qu’envers celles des êtres vivants qui partagent sa vie. J’ignore si c’est justement de là que vient son caractère obsessionnel ou si c’est inné chez lui. Il est, en tout cas, sacrément têtu, tu peux me croire. Il y en a peu qui pourront le faire changer d’avis. Non pas qu’il pense tout savoir, il sait écouter, mais il y a des chemins dont il ne semble pas vouloir dévier. Soit pour des questions de tradition, soit parce que c’est un trait de sa vie qu’il ne peut tirer, et que l’honneur lui interdit de briser un serment. Garde-toi bien de te mettre sur sa route, on m’a dit qu’il était parfois rancunier. Je ne l’ai personnellement jamais vu s’en prendre à quelqu’un mais il a une langue plus acérée que le plus aiguisé des aciers. Oh ça, c’est une chose douloureuse, tu peux me croire, j’en ai fait les frais une fois. Il l’a regretté aussi amèrement mais aujourd’hui, on se charrie comme si nous étions frères depuis longtemps. Toutes les précédentes recrues sont au moins passées entre ses mains et, crois-moi bien, il est d’une intransigeance crasse, notamment envers les crétins qui se croient au-dessus de tout. Mais tout ce qu’il pourrait te demander en matière d’entraînement, il se l’est appliqué auparavant. Il n’est pas injuste à ce sujet, il préfère simplement ne pas te voir périr, comme certains. Non, non, il n’est pas du genre à rester en arrière une fois que vous êtes formés. C’est peut-être même l’un des premiers à rejoindre la ligne de front quand il y a un danger. Il émane de lui une telle… Présence, quand il est sur le point de se battre. Comme une manifestation physique de certitude, de sérénité, d’apaisement. Comme si son monde tournait autour de ça, le combat, la bataille. Comme si le chaos d’une mêlée rendait son quotidien ordonné plus équilibré. Il n’est clairement pas fou ! C’est sûrement l’un des plus braves et courageux qui existent aujourd’hui ! Il ne fonce pas tête baissée, il réfléchit, élabore des plans, des stratagèmes, il est malin bien entendu. Mais je crois qu’il est un peu trop protecteur et qu’il se sent aussi responsable de nous tous, indirectement. Je crois que ça vient de son foyer, il y a quelques années. Un jour où son honneur lui a fait hésiter entre deux familles et où son choix a fait périr une portion de cette étincelle de vie si joviale et heureuse d’exister. Ou bien en faisait-il déjà le deuil, et il aurait donc enfoncé le dernier clou sur cette porte. Mais il est toujours là, présent avec nous tous. Il rit, volontiers à gorge déployée, taquine les recrues comme vous autres, charme les tavernes de sa voix si profonde avec une histoire palpitante… et pourtant, dans ses silences, quelque chose pèse. Un éclat dans le regard, une crispation dans la mâchoire. Comme si l’humour n’était qu’un masque pour contenir le reste.
Sa mère de sang est une demi-elfe (mi-Elfe, mi-Hayadrim, proche également de l’apparence cervidé de son fils), lui conférant une plus grande longévité, bien qu’il n’en soit guère informé.,
Généalogie sur un degré : Père : Gabruil (3064) Mère (adoptive) : Alissa (3060) Véritable mère : Violette (on ignore donc tout d'elle, hormis son nom) Fratrie de sept frères et trois soeurs
Dans l'ordre :
Guerin (3083),
Shane (3084),
Arnault (3086),
Samuel (3087),
Rivie (3088),
Les jumeaux Samira et Hendrick (3095),
Cairn (3105),
Jaguier (3110),
Claire (3112)
Nom : De Runrath
Prénom : Shane
Age : 38 ans
Sexe : Masculin
Orientation Sex : Pansexuel
Race : Hayadhrim
Origine : Terre des Hommes
Institution : Les Veilleurs
Pseudo : Shaner